Mme Salia Rachidatou Illa Maikassoua, enseignante - chercheure à l’Université de Tahoua

Mme Salia Rachidatou Illa Maikassoua, enseignante - chercheure à l’Université de Tahoua

 « J’éprouve toujours une réelle satisfaction quand certains de nos étudiants réussissent et qu’ils nous contactent pour nous remercier. On se dit au moins on a servi à quelque chose », déclare Mme Salia  Dr Rachidatou Illa Maikassoua

-Bonjour Dr, merci de nous avoir accordé votre temps pour cet entretien. Pour commencer pouvez-vous nous parler de votre cursus académique ?

Je tiens également à remercier Actumag pour cette belle opportunité que vous m’offrez aux femmes à se faire connaitre et surtout vous féliciter pour cette excellente initiative. J’apprécie beaucoup la ligne directrice « HASKE MATAN AFRICA » qui représente  une belle vitrine pour les femmes africaines en général et pour les femmes nigériennes en particulier. C’est une plateforme qui  permet de découvrir beaucoup de femmes talentueuses  qui contribuent à la promotion du leadership féminin.

Pour revenir à votre question, je dirais que mon parcours scolaire n’est pas linéaire, il a évolué en fonction des affectations de mes parents qui étaient fonctionnaires.

J’ai commencé mon CI à Madaoua et mon CP à Dosso. Ensuite, j’ai fréquenté l’école mission Fille de Niamey du CE1 jusqu’au CM2. J’ai commencé mon collège au CEG 6 pour finalement obtenir mon brevet à l’école française de Kano. Ensuite, j’ai poursuivi au  lycée  Dan Baskorey à Maradi, pour obtenir mon Baccalauréat A4 au lycée Kassai, après deux années blanches. Le précieux sésame en poche, j’étais partie avec beaucoup d’étudiants à Kaduna pour le bain linguistique. Après, j’avais rejoint l’Université Obafemi Awolo d’Ide Ife (Nigeria) pour étudier la démographie, mais là également en raison des perturbations internes, on n’a pas pu s’inscrire. C’était une autre année de perdue et une période très douloureuse car peu de perspectives s’offraient à beaucoup d’entre nous. Mais par la grâce de Dieu, suite à la nomination de mon père  comme ambassadeur en Egypte, j’ai pu continuer sereinement et normalement  mes études supérieures. C’est donc au Caire que j’ai obtenu ma maitrise en droit à l’Institut du Droit des Affaires Internationales (IDAI), une filière de la Sorbonne, nichée au sein de l’Université du Caire. Parallèlement à mes études de droit, je me suis inscrite en communication à Misr University for Science and Technology (MUST), une université égyptienne où j’ai obtenu un «  Bachelor en Public Relations and Advertising ». C’était un défi difficile mais j’ai pu faire deux formations en même temps et obtenir mes deux diplômes. Après, j’ai continué en France, à l’Université Paris II - Panthéon Assas où j’ai obtenu un DEA en droit de la communication. Mais c’est  à l’Université Paris I panthéon-Sorbonne que j’ai effectué ma thèse en droit.

-Quel a été votre parcours professionnel?

Je suis présentement enseignante - chercheure à l’Université de Tahoua où j’enseigne le droit public depuis novembre 2012. En 2013, J’ai occupé le poste de chef de département adjointe que j’ai quitté en novembre 2015 pour être coordinatrice de la licence professionnelle droits de l’homme et action humanitaire. Cette formation est une initiative personnelle qui avait reçu à l’époque l’adhésion de tous les collègues et qui aujourd’hui est devenue une formation très prisée car elle a vocation à former des professionnels en droits de l’homme et dans l’humanitaire.

J’ai réellement débuté ma carrière professionnelle en tant qu’assistante au sein de l’ONG internationale Plan Niger et ce, pendant 10 mois avant d’arrêter pour finaliser ma thèse.  Après ma soutenance, j’ai évolué comme consultante pour la Commission africaine des droits de l’homme.  Par la suite, j’ai eu un contrat de vacation à l’IDAI là où même j’avais étudié le droit en Egypte.  Mais, j’avais le mal du pays et mon père voulait que je rentre servir le Niger. De retour au pays, j’ai postulé à l’Université de Niamey et de Tahoua comme c’étaient les seules qui disposaient de facultés de droit. C’est finalement l’Université de Tahoua qui m’a recrutée. Et depuis j’y suis.

-Vous avez un réel engouement pour les droits de l’homme ?

Je suis passionnée des droits de l’homme et cette passion m’a été inspirée par Nelson Mandela. Petite,  je voulais devenir avocate car je regardais à la TV nationale les violations commises par le régime de l’Apartheid et j’étais marquée par le combat de Nelson Mandela. Ensuite, il y ‘a eu le film Racines d’Alex Haley.  Tant l’injustice, l’esclavage et le racisme me révoltaient !  Mais c’est ma directrice de thèse, Elisabeth Lambert Abdelgawad, qui m’a montré la voie lors du cours de droit international des droits l’homme qu’elle nous dispensait. Je voulais suivre sa voie et c’est elle qui m’a soutenue et encouragée à faire ma thèse sur les « Effets des décisions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ». Après le doctorat, je souhaitais travailler dans les organisations de défense des droits de l’homme, mais c’est l’enseignement qui me retient encore aujourd’hui.

-Qu’est-ce qui vous a motivé à embrasser une carrière dans le domaine de l’enseignement ?

Le déclic pour l’enseignement est né lors de ma première expérience en tant que vacataire à l’Université du Caire. Revenir enseigner là où j’étais étudiante a été un tournant décisif pour la suite de  ma carrière. C’était la meilleure expérience professionnelle que j’avais vécue jusque-là. En effet, je ressentais un certain enthousiasme à transmettre et à partager les connaissances. En fait, dans l’enseignement, chaque jour est différent, les étudiants sont différents et les défis également. C’est un métier certes difficile surtout de nos jours car  les étudiants ont d’autres centres d’intérêts plus marqués comme les réseaux sociaux. Mais, on apprend toujours dans l’enseignement, surtout avec les nouvelles technologies où le savoir devient plus accessible. J’éprouve toujours une réelle satisfaction quand certains de nos étudiants réussissent et qu’ils nous contactent pour nous remercier. On se dit au moins on a servi à quelque chose.

-Quelle est votre perception du leadership féminin ?

En ce qui me concerne, c’est un concept qui incarne efficacité et humilité. Être une femme leader c’est allier savoir-faire, savoir être et alignement avec des valeurs de nos sociétés qui sont  très attachées à nos traditions. Et j’y crois au leadership féminin. Celle qui l’incarne le mieux  n’est autre que : Angela Merkel, « l’homme « fort de l’Europe ». Pour moi,  elle est de loin une des meilleures dirigeantes au monde.

-Quels progrès aviez-vous constatés concernant le secteur de  l’enseignement supérieur au Niger?

Le progrès le plus remarquable est l’existence des universités publiques dans toutes les 8 régions du Niger. Ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. C’est incontestablement une grande avancée pour le Pays. Je constate également que le Niger regorge de compétences dans plusieurs domaines. Nous avons des spécialistes formés dans des plus grandes universités du monde. Mais malheureusement, ces talents internes ne sont pas suffisamment mis en avant surtout dans le domaine de la recherche. Les universités publiques ont encore besoin d’infrastructures adéquates, et d’équipements supplémentaires pour véhiculer le savoir et le savoir-faire des enseignants. Nos universités sont un véritable chantier et nous espérons assister à une transformation profonde et pérenne dans les prochaines années (encore plus d’amphithéâtres, de bibliothèques, de laboratoires …). Notre ambition est : figurer dans le classement des meilleures universités  et  aussi  faire rayonner nos étudiants une fois confrontés avec leurs pairs de la sous-région et la marge de progression est vaste, mais nous restions optimistes.

-Quels sont, à votre avis, les grands défis de l’enseignement supérieur au Niger?

L’enseignement supérieur au Niger souffre de beaucoup de maux, trop nombreux à lister. Ce qu’il faut surtout se dire, c’est que l’Education reste un patrimoine commun que chaque partie prenante (l’Etat, les enseignants- chercheurs, le personnel administratif et technique et les étudiants, les parents d’étudiants) doit préserver et pérenniser.  Chacun doit jouer sa partition. En tant que produit de l’école publique qui était à l’époque une référence en matière de qualité, je me dis c’est un devoir moral de le faire. C’est pour cela que dans mes enseignements, j’essaie de donner le meilleur de moi-même. Je me  sens redevable à l’école publique nigérienne  qui a posé les jalons de ma réussite.  Hélas, aujourd’hui le service public de l’éducation va très mal et malheureusement  ceux qui en pâtissent sont les enfants d’une couche sociale défavorisée. L’école nigérienne qui hier offrait les mêmes chances de réussite à tous les fils du peuple aujourd’hui devient un terrain propice au développement des inégalités sociales.

-Alors qu’est-ce qu’il faut de manière adéquate pour améliorer le secteur de l’éducation de manière générale au Niger ?

Il faut une forte et ferme volonté politique. Ne dit-on pas que l’éducation est la base de tout développement ? Et cela a été prouvé : tous les pays développés ont investi dans leur système éducatif.

Pour moi, si on ne veut plus être dernier dans l’indice de développement humain, il faut nécessairement repenser et reconstruire le système éducatif nigérien et surtout innover durablement dans ce secteur. Il y a urgence.

 

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