Fatouma Aya Akiné – un regard d’artiste sur notre société

Fatouma Aya Akiné – un regard d’artiste sur notre société

-Bonjour Fatouma Aya Akiné, pouvez-vous vous présenter aux internautes ?

Mon nom est Fatouma dite Aiya Attahirou Atta Akiné 2. Je suis artiste plasticienne. J’ai 23 ans, je suis née à Niamey, en 1994, puis j’'ai quitté le Niger en fin 2001 pour me rendre au Mali. J'ai une licence en sculpture au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédias Balla Fasséké Kouyaté(CAMM/BFK) de Bamako. Je suis également étudiante en presse écrite à l'institut de Formation aux Techniques de l'Information et de la Communication (IFTIC).
J'ai participé à plusieurs expositions collectives, et six expositions individuelles, essentiellement au Mali, Niger et Burkina. Mes oeuvres ont été exposées en Europe également. Mon inspiration est nourrie par tout ce qui m’entoure : des émotions, des thèmes d’actualités pertinents, des mouvements, des rêves, etc. Je fais à la fois de la sculpture, de la peinture, du dessin et des installations. J'aime lire Paulo Coelho, et des livres de contes également, car j'aime tout ce qui a un lien avec le spirituel, avec le mystique. A mes heures perdues, j’interviens en tant que costumière et maquilleuse de fausses blessures pour des films.

-Que représente l’Art pour vous ? 


L'art représente tout pour moi. Car tout peut être représenté selon moi en art, que ce soit en danse, en musique, en théâtre, en peinture... et ce qui me marque dans ce métier c’est le fait de pouvoir toucher, choquer les autres, les surprendre, les faire voyager, rêver et surtout parler à la place de beaucoup qui n’ont pas cette chance…

-Comment s’est produit le déclic qui vous a poussée à embrasser ce métier ?


Très jeune déjà, j'aimais beaucoup dessiner et confectionner mes propres jeux, je dessinais partout et sur tout. Mais avant d’embrasser cette carrière pour de bon, j'étais très passionnée de médecine et de biologie. C'est au lycée que j'ai essayé de prendre conseils. Mon professeur de philosophie, qui m'a conseillé de choisir un métier qui me passionne plus, et dont je ne me lasserai jamais. Il m'a suggéré de poursuivre dans les arts, car j'ai d'ailleurs eu ma première exposition individuelle au lycée dans mon école. Et le fait de voir qu'en tant qu'artiste on peut vraiment avoir tant d’impact sur la pensée des gens, m'a séduite. C'est ainsi qu’après mon baccalauréat, j'ai passé mon concours au CAMM/BFK, concours auquel je fus la seule fille sélectionnée.


-Vous êtes une jeune femme inspirante, et de surcroît une artiste pleine de vitalité. Pourtant, le parcours que vous avez choisi n’a pas du être toujours facile…


En effet, mais je pense que rien de cette vie n'est facile. Et ce qui est facile ne dure pas. La vie en elle - même est une succession de luttes. Ce qui est souvent dur hormis les problèmes financiers, ce sont les étiquettes que l’on vous colle. Un artiste masculin est malheureusement souvent mal jugé dans notre environnement social, parfois vu comme un marginal, soupçonné de se droguer, une personne immorale, un vendu, un « sans ambition ». Alors imaginez le regard porté sur une femme artiste ! C'est pire ! Il n’y a pas d eplace pour nous dans la société actuelle. Aucun respect, aucune considération. On vous demande toujours quand est ce que vous allez commencer à travailler, car pour eux  l'art ne peut pas être un métier. Mais le soutien de mon père et ma mère me donne beaucoup de force.

-Comment ont réagi vos proches quand vous leurs avez annoncé  votre désir de vivre de votre art en tant que jeune femme dans un pays tel que le Niger, où la religion et les strictes règles qui régissent notre société offrent peu de marge de manoeuvre aux femmes?  

Disons, qu'il l'on pratiquement toujours su. Ce désir de créer était en moi, il s’est juste épanoui, notamment grâce au soutien et à l’encouragement de mes proches. Mais pour certains proches c'était un peu compliqué. Il faut être patient, leur montrer par mon comportement que je participe également à la bonne marche de la société. Les artistes ont un rôle social et politique. Je fais partie de ceux qui questionnent et interrogent cette société et son fonctionnement, qui aident les autres à prendre du recul. C’est ce rôle là que j’ai choisi. 

Et puis pour être honnête, je trouve que c'est bien lorsque tout le monde ne partage pas nos envies. Si tout le monde est toujours d'accord avec vous, c’est que vous ne créez pas, vous ne faites que répéter, emprunter un chemin déjà parcouru. Méfiez vous des décisions qui ne font pas de remous !


-A côté de votre parcours d’artiste plasticienne, vous avez étudié également la presse écrite à l’Institut de Formation aux Techniques de l’Information et de la Communication (IFTIC) de Niamey. La page du journalisme est-t ‘elle définitivement tournée ?


oh non pas vraiment ! J'aime l'écriture. Mon projet personnel est de créer mon propre magazine culturel 100% nigérien. Pour le moment, je suis en pleine réflexion sur ce sujet. Ce sera pour moi une autre occasion d’aider mes concitoyens à prendre du recul et analyser les caractéristiques de la société à laquelle ils participent.

-Quelle est votre plus grande motivation dans la vie? 


Ma plus grande motivation dans cette vie est de rendre mes parents fiers. Et qu'à travers mon art je puisse parler à la place de ceux qui sont sans voix.

-Quelle est votre opinion sur la place qu’occupe la femme dans notre société?


Je pense qu'au Niger une femme qui ne parle pas, qui n'est pas indépendante, qui suis à la lettre ce qu'on lui dicte, qui se contente de faire des enfants et de gérer son foyer sans exister en dehors de celui-ci est une femme qui n'est pas considérée comme un « problème ». Et une femme qui ne se fait pas remarquer, qui ne fait pas de « remous » recueille beaucoup de respect dans notre société.  Par contre une femme qui travaille, qui ne dit pas oui à tout, qui ose prendre parole, elle, oui  pose problème. A mon sens, l’obstacle qui se dresse devant la femme nigérienne aujourd’hui, ce ne sont pas les hommes, le problème de la femme nigérienne ce sont les femmes nigériennes, qui vivent dans un cadre rigide et se jugent les unes les autres au lieu de se soutenir. Mais je vois à certains détails que les choses commencent vraiment à évoluer,  pour l’instant tout doucement mais on y arrivera. J’y crois. Pour cela il faudra toujours plus d’éducation, car le plus grand fléau de ce monde est l’ignorance et le manque d’esprit critique.


-Quel est votre dernier mot ?


 Je souhaite terminer avec une citation de Mylène Muller qui dit :" N'attends pas d'être motivée pour agir,  agis pour être motivée" !