Fatouma Aicha seydou, un exemple d'engagement feminin

Fatouma Aicha seydou, un exemple d'engagement feminin

Fatouma Aicha Seydou est une Nigérienne dotée d'une persévérance, d’un optimisme et d'un sens du service aux autres hors du commun. Son parcours et son engagement suscitent l’admiration de tous. L’équipe d’Actu Mag a voulu la rencontrer afin que son histoire puisse inspirer nos lectrices et lecteurs.

Chère Madame Fatouma Aicha Seydou, merci de nous recevoir. Pour commencer, pouvez-vous nous parler de votre parcours académique ?

- Bonjour et merci de votre invitation. Tout d’abord, permettez-moi de dire que je suis fière d’avoir été formée dans des établissements qui témoignent de l’efficacité du système scolaire Ouest Africain.  Après avoir passé une partie de mon enfance à Beijing en République Populaire de Chine, j’ai fréquenté l'école mission de Maradi où j'ai décroché mon CFEPD. J’ai ensuite rejoint le collège SONI Ali Ber de Niamey, où j'ai obtenu mon BEPC avant de passer mon Baccalauréat au terme de mes études au lycée Kouara de Niamey. J’ai ensuite tout de suite souhaité suivre un programme d’immersion en langue anglaise pendant 4 mois à Ilé-Ifé au Nigeria, ce qui m’a permis de m’inscrire dans une école professionnelle à Cotonou, au Benin, où j'ai décroché mon BTS en Marketing et Action Commerciale.

-Après l'obtention de votre BTS vous avez décidé de revenir au pays où vous avez commencé à travailler. Parlez-nous de votre première expérience professionnelle.

Après ce "pèlerinage académique" courronné de succès, de retour à Niamey, j'ai commencé à travailler en 2002 chez Celtel-Niger (actuel Airtel-Niger).  Avec mes économies, j’ai investi dans une formation de cours du soir qui m’ont permis d’obtenir un Master en Communication d’Entreprise.

-Quelles ont été vos responsabilités successives au sein de  Airtel Niger ?

A force de patience et de persévérance, j’ai réussi à grimper les échelons hiérarchiques et convaincre de ma capacité de leadership. J’espère que cette évolution de carrière inspirera vos lecteurs, et surtout vos lectrices. J’ai commencé en tant que stagiaire en 2002, puis l’on m’a proposé de rester et d’occuper un poste de caissière de la boutique principale du siège. Enchaînant promotions et nouvelles opportunités acquises au prix de beaucoup de travail, j’ai occupé successivement 8 postes en 15 ans, avant d’atteindre en 2017 mon poste actuel,  Retail manager au sein du département Ventes et Distribution. Mon travail consiste à concevoir, suivre, évaluer ainsi que piloter des projets à travers les canaux de ventes de nos produits.

-En plus de votre poste chez Airtel-Niger, vous avez également fondé le cabinet matrimonial en ligne, Camani, premier cabinet virtuel au Niger qui traite les problèmes pré-nuptiaux et conjugaux. Pouvez-vous nous en dire plus? Qu'est-ce qui a motivé la création de Camani ?

Effectivement, en dehors de mon travail au niveau d'Airtel-Niger, j'ai décidé de créer un Cabinet pour la prise en charge et la gestion des problèmes conjugaux.  

Depuis des années, j’observe que le nombre de divorces ne fait qu’augmenter au Niger. Il s’agit d’un véritable phénomène de société qui trouve ses racines dans un dysfonctionnement que je voulais comprendre et traiter le plus possible en amont. Je m’explique. En Haoussa, Camani signifie "tiens moi" ou "ne m'abandonne pas". Je travaille sur la communication dans le couple. Mon slogan est d’ailleurs : "communiquer, c'est guérir ». Je pense vraiment que les incompréhensions qui mènent à la décision de divorcer peuvent être résolues au moment où l’amour est encore vif.

-Comment a réagi votre entourage lorsque vous avez entamé ce combat pour la consolidation des couples, la communication, et la lutte contre ce phénomène sociétal de divorce ?

Au moment où j’ai lancé ce cabinet, la principale question qui m’était posée avait à voir avec mon propre statut marital : en effet, comment une célibataire peut prétendre souder des couples ? Des questions plus fondamentales naissaient aussi : par exemple, comment pouvais-je prétendre  lutter contre ce phénomène de divorce alors que de nombreuses structures, y compris religieuses, n'ont pas réussi à le faire ? Enfin, bien entendu j’ai aussi été la cible des critiques des détracteurs qui font toujours entendre leur voix quand une initiative inédite et ambitieuse voit le jour.  

J’avoue que ce positionnement fort sur le sujet que je me proposais de traiter m’a donné une conviction encore plus forte. Si les gens réagissaient c’était donc que j’avais mis le doigt sur un point de faiblesse de notre tissu social. Je me suis attachée à comprendre les véritables problèmes, et j’ai notamment observé que la communication est la clé qui permettra à beaucoup de personnes de retrouver le chemin de la stabilité émotionnelle et du bien-être au sein du couple.

-Pourquoi vous êtes-vous sentie appelée à commencer ce travail de changement des manières de penser et de se comporter au sein du couple ?

Je pense que ma passion première dans la vie est de passer du temps à m'occuper du bien-être de ceux que j’aime. Étendre ce souci de prendre soin des autres à ceux qui souffrent au sein de leur couple m’est venu très naturellement. Ayant perdu mon père à un très jeune âge, j’ai pris l’habitude d’observer le fonctionnement d’une famille, la mienne et celle de mes camarades, et d’essayer de comprendre d’où venaient les problèmes qu’elles pouvaient rencontrer. C’est assez naturellement que j’ai compris que le couple est souvent la source d’un dysfonctionnement qui peut avoir un impact sur la famille. Je me suis donc intéressée à cette entité-là.

J’ai aussi la passion des histoires. Les gens et leurs histoires me passionnent. J’écris d’ailleurs beaucoup de chroniques sur Facebook, notamment inspirées des témoignages que j’entends (mais qui restent bien sûr confidentiels) afin qu’ils puissent faire réfléchir d’autres couples.

 

J’ai aussi un grand sens du service aux autres. Je fais toujours de mon mieux, lorsque je suis sollicitée par quelqu’un qui a besoin d’aide, qui veut avancer, se sortir d’un mauvais pas. Ma seule frayeur c'est de voir ces couples perdre leur sourire, leur épanouissement pour des raisons qui sont souvent moins importantes à l’origine que ce qu’elles deviennent au fil du temps en s’envenimant. Je pense qu'on vit pour être heureux et que l’on doit travailler à son bonheur, s’en occuper, en prendre soin. Et je suis là pour les aider à accéder à ce bonheur, ce soulagement.

Je tire ma force de mes propres expériences de vie, et je pense que les épreuves sont là pour donner du punch. Elles permettent d’apprendre des leçons importantes qu’il faut transmettre à ceux qui rencontrent les mêmes péripéties. Je refuse catégoriquement le phénomène de victimisation dans lequel j’ai observé que beaucoup de couples se retranchent après s’être blessés. Il faut avancer, trouver des solutions, inventer, ne pas abandonner et se quitter.

J’ai entamé ce  travail de réconciliation il y a dix ans, en commençant par conseiller mes amies et mes proches. Étant la seule célibataire parmi six couples d'amis d'enfance, j'étais le juge impartial qui savait écouter, consoler, orienter, et tout cela dans le plus grand secret. Quand je trouvais des solutions, je ressentais une joie profonde, le sentiment d’être utile et de servir les autres à un endroit fondamental de leur vie et de leur épanouissement personnel. Je continue à faire ce travail dans mon cercle amical, certains m’ont d’ailleurs affectueusement surnommée « la sapeur-pompier des couples».

-A votre avis que représente le mariage ?

Un mariage est avant tout un serment d’amour renouvelé. Je parle ici du véritable amour qui est le socle de toute relation durable. Un mariage fondé sur l'amour est une bénédiction. Étant un serment béni par Dieu, il ne peut qu’être dirigé vers le bien. Cependant, je pense qu’il faut garder en tête qu'on ne se marie pas pour la société ou pour toute autre cause qui n’a rien à voir avec la volonté de s’aimer et de construire ensemble. On se marie quand on est prêt, et lorsqu'on rencontre son compagnon de vie, celui que l’on reconnaît comme tel. Je déplore que, par manque de connaissance, d'information, et parfois de clairvoyance, l’on assiste la multiplication de ces cas de divorces.

-Qu’est-ce que le leadership pour vous ?

Le leadership est une compétence qui s'acquiert. Un ou une leader est une personne capable de drainer du monde vers une vision bénéfique pour tous, par l'écoute des besoins, par l'empathie. Il ou elle est cette personne qui hisse les autres à son niveau, sinon au delà et il ou elle en tire sa fierté et le sens de son engagement.

Ma plus belle satisfaction en créant Camani était de découvrir que des gens y croyaient. Je rends hommage à ceux qui m'ont rejoint pour former l'équipe de six bénévoles qui travaillent sans relâche à mes côtés. Ils sont tous submergés de travail mais ensemble nous créons cette dynamique de leadership, nous trouvons toujours le temps d’aider, d’apporter des astuces, et des solutions aux couples qui en ont besoin.

-Vous êtes une femme, une charmante femme, soignée et même coquette. Quel est votre secret de beauté ?

Charmante ? Coquette ? Merci !

Le meilleur secret de beauté d'une femme réside dans son bien-être et son épanouissement. Tout le monde a des problèmes, c'est sûr, mais il ne faut pas qu’ils nous impactent sur le plan physique. J'ai appris à relativiser les choses et me dire que les problèmes font partie de la vie et je refuse qu'ils deviennent le centre de ma vie.

J’ai mis en place une certaine discipline pour garantir mon bien-être : je fais attention à mon assiette, on mange pour vivre et non le contraire. Je dors au moins 8 à 9h par jour. Zéro excitant (café, thé, etc.) et j'évite au maximum les produits chimiques, je me traite au besoin avec des plantes. Je me déconnecte de tout pour dormir. Je fais du sport régulièrement à l’Oméga fitness club, qui fait des merveilles tant sur l’esprit que sur la forme physique de ses adhérents.

Enfin, je fais ce qui me plaît et me rend heureuse : danser, chanter, jouer avec mes nièces comme si j'avais 5 ans, et surtout je vis ! J'apprécie ce que la vie m’offre, sans courir après ce que je n'ai pas, et qui n'est pas forcément nécessaire pour moi.

-Quels sont les signes de progrès que vous aviez observé en ce qui concerne l'émancipation des femmes nigériennes ?

L'émancipation des femmes Nigériennes se voit à travers l’augmentation du nombre d’entreprises qu'elles dirigent. Les femmes ont compris qu’elles ne sont pas obligées de travailler pour quelqu'un pour être accomplies : elles ont compris qu'elles peuvent s'auto-employer et même embaucher d'autres. Ça fait plaisir à voir !

-Quels sont à votre avis les facteurs qui ont un impact négatif sur l'émancipation des femmes nigériennes ?

Les facteurs ayant un aspect négatif sur l'émancipation des femmes, c'est le comportement des femmes elles-mêmes. On veut une chose et son contraire.

Je m'explique : les femmes réclament l'égalité des sexes, que je comprends comme l'égalité des droits, mais continuent à vouloir que les hommes les prennent en charge à 100%. Je suis aussi assez critique envers ce phénomène de « Journées » (de la femme, de la jeune fille, etc...). A mon avis, être une femme, reconnaître les femmes, leur valeur, leur place dans la société, devrait être « célébré » 365 jours sur 365, on n'a pas besoin de réclamer ce qu'on a déjà, ce que l’on est déjà, à moins que l’on veuille marquer « la différence » et non « l’égalit »é. Agissons pour que les hommes sentent qu'on est utiles pour la nation, mais sans le hurler sur les toits. Respectons-nous et faisons notre travail afin que les hommes nous donnent le respect qu'on mérite.

-Qu’est ce qui, d’après vous, pourrait contribuer à l'émancipation des femmes nigériennes ?

La contribution à l'émancipation serait une communication continue dans le sens de l’émancipation justement ! La femme veut se sentir en sécurité avant de prendre toute décision, ce qui est compréhensible. La meilleure manière serait de s'informer auprès de celles qui ont osé franchir le pas. Je crois à la communication et à l’entraide entre femmes.

-Pour finir, pouvez-vous citer quelques noms de femmes leaders à travers le monde, qui vous inspirent, et dont vous aimeriez suivre l’exemple.

Les femmes qui m'inspirent sont Aichatou Mindaoudou, Oprah Winfrey, Michelle Obama, Taraji Henson. Des femmes fortes, dont le travail et l’engagement ont été reconnus par tous et qui continuent à se mobiliser pour que notre société devienne plus juste.